L'ostéochondrite de hanche

 

Dr Bernard Maisonneuve

Centre régional de rééducation Marc Sautelet, Villeneuve-d'Ascq (APF)

 

 

L'ostéochondrite est un accident de croissance de la hanche de l'enfant, à prédominance masculine (80 %), se révélant entre 5 et 10 ans par une boiterie et pouvant entraîner des déformations voire une destruction sévère de l'extrémité supérieure du fémur. C'est une maladie d'évolution progressive sur plusieurs années, qui se termine toujours par la guérison avec ou sans séquelles. Un dépistage et un traitement adéquat précoce sont les clés d'une évolution favorable.

 

QU'EST-CE QUE L'OSTéOCHONDRITE ?

 

L'ostéochondrite, ou maladie de Legg-Perthes-Calvé (nom des auteurs qui l'ont décrite), est une nécrose ischémique de l'épiphyse fémorale supérieure (destruction par défaut de vascularisation). Cet " accident vasculaire  retentit sur le phénomène complexe de croissance de la hanche de l'enfant et peut entraîner des déformations voire une destruction sévère de l'épiphyse fémorale. La fréquence de l'atteinte varie de 1/750 pour les garçons à 1/3700 pour les filles.

 

 

Notions anatomiques et physiopathologiques

 

La hanche est constituée d'une cavité, le cotyle, dans lequel vient se loger l'épiphyse fémorale. Celle-ci est constituée d'un noyau osseux céphalique entouré d'un cartilage (épiphysaire) qui assure la croissance et l'ossification de la tête fémorale. La métaphyse sous-jacente est porteuse d'un autre cartilage (métaphysaire) essentiel, appelé plaque conjugale qui va pour sa part assurer la croissance du col fémoral. Ces deux cartilages sont irrigués par l'artère circonflexe postérieure. Les troubles circulatoires de cette artère produisent les lésions de l'ostéochondrite, avec d'importants remaniements et des troubles de croissance secondaires.

 

 

COMMENT SE MANIFESTE L'OSTéOCHONDRITE ?

 

Le début de l'affection est souvent insidieux. Elle affecte le plus souvent un garçon entre 5 et 10 ans. Les signes d'appels sont pauvres : il s'agit essentiellement (80 % des cas) d'une boiterie. La douleur est inconstante, souvent fugace, de faible intensité ; elle intéresse la hanche, mais peut prendre parfois le masque d'une gonalgie (genou). On observe aussi une amyotrophie de la cuisse, une rétraction des adducteurs, voire une limitation de l'amplitude d'abduction et de rotation interne de la hanche. Il s'agit là de signes de souffrance de la hanche.

Les examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic:

- La radiographie permet de reconnaître la lésion (signes discrets au début puis signes de gravité: excentration et aplatissement de la tête du fémur...), d'en préciser l'étendue et d'apprécier le stade évolutif (successivement): phase de nécrose du noyau épiphysaire; phase de résorption (fragmentation); phase de reconstruction; phase de remodelage.

- La scintigraphie peut montrer au début le défaut d'irrigation vasculaire. avant la radiologie, permettant un diagnostic précoce. A un stade plus avancé de la maladie, cet examen permet de confirmer la revascularisation épiphysaire.

 

 

QUELLE EN EST LA CAUSE ?

 

Elle reste inconnue. Le mécanisme pathogénique est sans doute multifactoriel. Il existe :

– un facteur vasculaire qui perturbe la croissance de l'extrémité supérieure du fémur. Des épisodes ischémiques répétés sont à l'origine de lésions nécrotiques de l'épiphyse ;

– un facteur mécanique semblerait favoriser le déclenchement, les micro-traumatismes fragiliseraient les structures cartilagineuses. Ceci expliquerait pour une part la plus grande fréquence de cette affection chez les garçons ;

– des facteurs prédisposants : retard d'âge osseux, troubles de la croissance, fragilité cartilagineuse (chondropathie), prédisposition génétique (sans caractère héréditaire véritable).

 

COMMENT éVOLUE-T-ELLE ?

 

L'évolution est progressive sur plusieurs années et se termine toujours par la guérison avec ou sans séquelles. Après une période asymptomatique de 3 à 4 mois (stade d'ischémie initiale), suit une période évolutive de 18 mois à 3 ans (stades successifs de nécrose, de fragmentation et de reconstitution). Suit une phase de remodelage de la tête fémorale de plusieurs années jusqu'à la fin de la croissance. Durant cette période, la tête récupère une forme et une congruence (adaptation au cotyle) satisfaisante ou présente au contraire un état séquellaire qui pèse sur l'avenir : dans les atteintes sévères, le sujet sera exposé à l'âge adulte au risque d'arthrose précoce de hanche.

 

QUELS TRAITEMENTS ET PRISE EN CHARGE PEUT-ON PROPOSER ?

 

Le traitement est essentiellement palliatif face au cycle évolutif inéluctable de l'affection. Ses buts sont de décharger la hanche lorsque la tête fémorale est fragile, de maintenir la tête fémorale dans le cotyle pour sauvegarder la sphéricité de celle-ci. Le traitement reste encore, malgré tout, assez long : 12 à 18 mois en moyenne. L'enfant et sa famille doivent y être préparés.

Le traitement orthopédique occupe la place la plus importante et vise à décharger la hanche par : la mise en traction continue ; la décharge stricte avec attelle d'abduction ; la décharge partielle avec appareillage de marche en abduction avec appui sous-ischiatique (orthèse de Chicago) ; la déambulation avec marche en abduction conservant le centrage des hanches (orthèse d'Atlanta).

Le traitement chirurgical améliore la qualité de la reconstruction morphologique d'une tête à risque. Il fait appel à des techniques de recentrage de la tête fémorale par rapport au cotyle.

Il n'y a pas de traitement type mais un traitement adapté en fonction de l'âge de l'enfant, de l'étendue de l'atteinte fémorale, du stade radiologique évolutif, du tableau clinique.

 

VIVRE AVEC

 

Le traitement représente une grosse contrainte pour l'enfant et la famille et nécessite un accompagnement éducatif et l'assurance d'une vie scolaire possible. La prise en charge en établissement spécialisé permet de résoudre la plupart des problèmes. Très vite, il faut autoriser les retours à domicile pour maintenir un équilibre psychoaffectif et familial optimal. La phase de nécrose est la plus longue et difficile à vivre car elle impose la décharge stricte, l'impossibilité pour l'enfant de marcher. Dès que l'évolution l'autorise, il faut privilégier la déambulation, même partielle et incomplète. Ceci a toujours un effet psychologique favorable sur l'enfant et sa famille.

 

 

Pour en savoir plus

 

à lire (paramédicaux) :

Dimeglio A., Allouche A., Le Syndrome de Legg-Perthes-Calvé. In : La hanche pédiatrique, sous la direction de J.G. Pous. Paris, Masson, 1987, p. 114-122.

Pous J.G., Dimeglio A., La hanche en croissance. Les cahiers Baillière, Paris,
J.B. Baillière, 1976.

Seringe R., Ostéochondrite primitive de la hanche. Encycl. Med. Chir. (Paris), Appareil locomoteur, 14320 A10, 10-1988.

 

 

(Référence : Association des paralysés de France. Déficiences motrices et handicaps, Aspects sociaux, psychologiques, médicaux, techniques et législatifs, troubles associés. Paris : Association des paralysés de France, 1996, 505 p., p. 284-286)